Brand culture

Maison Nicolas, un nouveau logo pour une nouvelle stratégie

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On ne vous apprend rien : Nicolas a changé de logo et de nom, pour devenir Maison Nicolas. Mais à défaut de trancher avec un j’aime / j’aime pas quelque peu radical comme on en voit partout sur les réseaux, on avait envie de vous raconter l’histoire de Nicolas, le contexte de ce changement d’identité, et le magnifique héritage visuel de cette marque qui fait partie du paysage français depuis plus de deux cent ans.

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La France boit moins d’alcool

Le Covid a entraîné une chute drastique des ventes d’alcool, et les dîners et grands rassemblements entre amis se font plus rares depuis les mesures sanitaires. Le nouveau logo de Maison Nicolas, créé par l’agence 181 degrés, est une réponse stratégique pour s’adapter au marché changeant et aux nouvelles habitudes des consommateurices.

Les boissons sans alcool représentent désormais un marché porteur avec 7% de croissance (contre 1% pour l’alcool classique), avec + 30% de vente pour les spiritueux sans alcool en 2020, et estimée à +11% dans les années à venir pour le vin sans alcool. Ajoutons que de plus en plus de millenials (18-24 ans) et de femmes de plus de trente ans se tournent vers des boissons alternatives non alcoolisées, plus tendances et saines (source : étude ISWR,via desalcoolisation.com). Les cavistes de Nicolas devaient donc se réinventer, et pas seulement dans la vente d’alcool.

L’image de marque de Nicolas n’avait pas bougé depuis les années 1980s. Comme beaucoup de marques, elle avait commencé avec le simple nom de son créateur inscrit en grosses lettres sur le devant des voitures de livraison.

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Le nouveau logo Nicolas fait couler beaucoup d’encre

Faisant suite à l’arrivée d’une nouvelle directrice, Cathy Collart Geiger, le nouveau logo de Nicolas répond à ce besoin d’être à nouveau remarquable dans le paysage français, en changeant son image et en faisant parler de lui. En ajoutant le terme « maison » à son nom, la Maison Nicolas souhaite devenir un lieu rassurant, accueillant, dans lequel on se sent bien. Si c’est un terme courant dans le monde du luxe, il ne semble pas ici s’agir d’une montée en gamme, mais au contraire d’inviter à la convivialité, au rassemblement (autour d’une bouteille de pinard) en devenant un point de départ pour le partage. Ce que confirme la nouvelle signature : Source de convivialité depuis 1822.

On note que pour légitimer son nouveau positionnement l’entreprise s’appuie sur une étude qui montre que « les français se sentent seuls et en souffrent ». Proposer comme réponse une cave conviviale peut surprendre… voire être une incitation cachée à noyer sa tristesse dans l’alcool, à défaut de trouver des amis pour partager une bouteille ? Moins probable.

Les retours sur le logo font couler beaucoup d’encre, notamment sur le manque de lisibilité du A de Nicolas, plus petit que les autres lettres et qui semble flotter à la surface, sans raison. N’en parlons pas. On ne retrouve en revanche ni les codes du vin, aux typographies majoritairement effilées, courbes, gothiques ou sérif, ni l’étiquette, ni les codes du luxe. La typographie ronde rappelle ici les enseignes écologiques, voire les bonbons, et vient apporter un côté humain parce que doux (doudou ?), à l’opposé de la tendance flat, angulaire et linéale de ces 10 dernières années. Laissons à la nouvelle identité le temps de se déployer, elle nous réserve peut-être des surprises ?

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La nouvelle identité de Maison Nicolas, par l’agence 181 degrés

Nicolas, innovant, inventeur, et distributeur

Le choix de faire table rase des codes de la marque (mis à part la couleur bordeaux) est assez étonnant. D’autant plus que Nicolas n’est pas né de la dernière pluie : son histoire commence en 1822 à Paris, avec Louis Nicolas. À l’époque pour acheter du vin, il fallait soit le boire sur place chez les restaurateurs, soit se rendre directement chez le producteur, soit acheter un fût en tonneau. Nicolas invente alors le concept de caviste, revendeur expert et intermédiaire entre les producteurs, et révolutionne la dégustation de vin à domicile, en proposant le nectar… en bouteille !

C’est aussi en voyant une affiche publicitaire que Sempé et Goscinny trouvent le prénom de leur petit Nicolas. Nous sommes en 1959, à la terrasse du café, Sempé montre ses premiers croquis et René Goscinny lui demande : «il a un nom ce petit garçon ?». Au même moment un bus avec une publicité Nicolas passe devant nos auteurs et Sempé  qui réfléchissait, s’exclame : Appelons-le « Nicolas » !  Le Petit Nicolas était né.

Nicolas ne cesse ensuite d’innover au fil des ans. En 1840, l’enseigne propose la livraison de vin à domicile, un véritable luxe qui n’existait pas encore. En 1955, elle dépose le modèle de la bouteille de 100cl à l’INPI, et lance en 2000 le tout premier site marchand de vin en ligne. En 1966, la maison popularise le Beaujolais Nouveau. En 2018, Nicolas propose le retour de la consigne pour les bouteilles de côte du Rhône Villages bio, puis développe un nouveau concept store autour des bières artisanales, Craft Beers & Cie, pour s’adapter au marché croissant.

Les caves Nicolas au second plan dans le paysage français

Aujourd’hui cependant, qui penserait à associer Nicolas à l’innovation ? L’enseigne, (trop) bien intégrée au paysage français, véhicule (selon nous) plus une image « plan-plan » : Nicolas a toujours été là, et on ne le remarque plus vraiment. Non pas que les françaises et les français n’aiment plus Nicolas, au contraire (elle a été élue marque préférée des français dans la catégorie « cavistes » à l’occasion de son bicentenaire, et à nouveau en 2024), mais les 481 magasins du territoire n’attirent probablement plus les mêmes clientes et clients, qui se font plus rares.

Si on allait autrefois chez Nicolas pour son expertise et ses conseils, on y va aujourd’hui parce que c’est pratique, ouvert, ou pas loin. Voire même on n’y va plus du tout car on préfère acheter rapidement une bouteille en supermarché, calée entre une boîte d’œufs et des chips, ce qui est plus pratique quand on a une idée de ce que l’on veut s’offrir (quitte à être déçu.e).

Les affiches, autrefois si créatives, graphiques et décalées, n’ont depuis quelques années plus rien de surprenant.

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Nectar, le gentleman-livreur de Maison Nicolas

C’est en 1922 avec Dransy, un artiste Suisse, que Nicolas crée sa mascotte, Nectar, le livreur aux 32 bouteilles et aux yeux écarquillés et jaunes comme des phares. Les affiches colorées reprennent la silhouette de Nectar, dont les 16 bouteilles dans chaque main rayonnent en astérisque et servent de motif géométrique, décliné par des dizaines d’artistes. Ambassadeur de la marque, le « gentleman-livreur » moustachu en tablier apporte une figure sympathique, dévouée et humaine à la maison. Sa compagne Félicité et leur fils Glou-Glou viennent compléter la famille quelques années plus tard.

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Comme pour Bibendum à l’époque, Nectar est l’une des premières mascottes de marque, déclinée en dessin animé projeté lors des entre-actes au cinéma, et apparaît même en tant que « sponsor » ou dans des images subliminales dans des films d’animation (comme La Belle au bois dormant en 1936).

Pendant des décennies Nectar s’adapte à son époque et devient légionnaire, phare, lanterne, artiste de music-hall… ou bouteille. Pendant la seconde Guerre Mondiale, Nectar est militaire, toujours présent pour « bien servir ». Il livrera même sur la lune ! Son allure, reconnaissable entre mille, en fait un véritable signe graphique. Nectar disparaît cependant des affiches à l’ère des publicités photographiques, dans les années 1980…

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Pour le bicentenaire en 2022, Maison Nicolas s’associe à nouveau avec des illustrateurices (Alice Des, Mathieu Persan et Alice Wietzel) pour faire revivre Nectar dans une version féminine, noire ou métisse, plus jeune et dynamique. Preuve que la marque est capable de se réinventer !

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En 2025, un livreur réapparaît dans le logo Maison Nicolas (est-ce vraiment Nectar ?), avec non plus 32 mais une seule bouteille à la main. Aurait-il perdu la main ? On retrouve la casquette et le tablier mais là encore, l’enseigne aurait pu réinventer les formes géométriques phares de son patrimoine, avec l’astérisque en guise de O pour habiller logo et les supports de communication. Mais pourquoi ô pourquoi n’a-t-elle pas choisi de puiser dans son si riche passé ?

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Maison Nicolas et les affiches d’art

Car dès ses début, Nicolas est visionnaire dans ses campagnes de publicité. Le fils Etienne Nicolas, à la tête de la maison depuis 1898, a l’idée de proposer une collaboration avec des artistes réputés pour en faire la communication et publier les catalogues de tarifs de bouteilles de luxe. Les affichistes et artistes Dransy, Cassandre, Loupot (qui en fera des affiches métalliques et des objets), Buffet, Brunhoff (le père de Babar), Iribe ou Reiser… participent à la notoriété de la maison Nicolas.

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En 1934, Cassandre propose une affiche déroutante et radicalement différente dans laquelle géométrie, lettres et couleurs ondulent dans ce que Marcel Zahar appelle « une sorte de sublime vocifération graphique, une ivresse chorégraphique de plans syncopés où tourbillonnaient follement des masses de cercles concentriques ».

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Affiche de Cassandre, 1935

S’en suivent des collaborations colorées et pétillantes, puis plus grand chose de très frappant jusqu’au bicentenaire en 2022. On espère donc que la maison saura se renouveler et innover dans ses prochaines campagnes, en faisant appel à d’autres talentueux et talentueuses artistes, pour continuer à faire vivre le patrimoine français. Car dans ce morne paysage urbain, on a besoin d’ivresse graphique !

 

Pour aller plus loin, le site du bicentenaire Nicolas.

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Peynet, affiches Nicolas 1959
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